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louisianecheznousautres
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14 mai 2014

Jeannot Vacances

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J'ai pourtant tout tenté pour y échapper... Mais la bonne copine Chti qui quitte son poste dans trois semaines, était si convainquante... Alors je l'ai accompagnée.... le temps d'une soirée à La Nouvelle Orléans : car rue Decatur, dans le French Quarter : la "House of Blues"....donnait presqu'à huis clos.... un concert de Johnny Halliday. Si on m'avait dit que j'irais voir un jour cet épouvantail.... l'Amérique a vraiment d'étranges d'effets secondaires.... Je vais pas en sortir indemne, moi....

Mais bon, après avoir cédé, m'être ravisée, avoir tout écoulé pour fourguer ma place, pas moyen.... alors, me voilà partie, en bonne compagnie. Me consolant sur la vision archéologique et l'étude sociologique à faire, sur un public frenchie-Johnny compatible, jusqu'à la couenne....

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Mais d'abord : pas une foule énorme, je suis étonnée. Il y a une centaine, peut-être deux cents personnes? Pas plus fan que ça : plutôt vieux quand même (de toute façon : les moins de 21 ans, sont interdits, à cause de l'alcool). Beaucoup comme moi : venus par hasard, ou par curiosité. Le lieu est extraordinaire : jamais vu une salle de concert aussi belle : à la fois pub-saloon, tout en bois, et salle de concert d'une part, café-bar de l'autre. On est dans une vraie salle qui a en a vu sûrement beaucoup depuis des décennies....voire plus (bon certes, faut oublier que c'est une chaîne de salles de spectacles essaimées dans toute l'Amérique...).

En tout cas, le lieu est accueillant. On pensait que les services d'ordre nous fouilleraient, et nous confisqueraient tout appareil photo ou téléphone. En fait que dalle. On a juste vérifié nos âges (à cause de l'alcool) sur nos ID (Permis de conduire qui fait office d'identitié), et puis c'est tout. On pouvait rentrer n'importe quoi, sur soi, tout le monde s'en fout.

Les 2 gros bus de la prod', bien française sont garés devant, c'est un nid de de français....de partout. Biensûr je retrouve tous les collègues de Baton Rouge et de La Nouvelle Orléans, nos inspectrices aussi. Bref, on n'est pas en Terra incognita... Alors je me cale discrétos, dans un coin de l'avant scène, et j'observe. Je suis à 25 cm de la  petite scène : deux guitares, une basse, une batterie, un piano et un orgue, deux choristes, et un harmonica. Basta. Je vais pouvoir mater à loisir les arpèges et les accords, j'ai mes boules-quies dans les oreilles, je ne risque rien.

Biensûr la star se fait attendre 40 minutes, et pas de première partie... Puis tout s'enchaîne, assez simplement en fait. Les puristes seraient aux anges, Tout est là, en direct, sans écran, à l'ancienne... Mais ce qui me fascine immédiatement : c'est ce qui reste du personnage. Il est à 1,50 m de moi. Je ne rate rien. Il est petit, plus petit que moi, et aucun de ses musiciens ne le dépasse en taille.... Il arrive squelettique. Malgré une tenue de scène taillée sur mesure pour corriger les imperfections.... Il n'est que l'ombre de lui-même. D'une maigreur quasi partout. Ni cuisse, ni fesse, ni bras : des os. Tout en noir, des bottines Beatles sous un costume à perles et paillettes.... La veste est taillée pour cacher le ventre, et lui donne une allure de polichinelle : un peu bossu et un peu ventru, et le reste me rappelle les corps décharnés des vieillards de l'hospice-mouroir. Sa peau est blanche et translucide au niveau des bras, tatoués de longue date. Il semble si fragile. Mais ce qui marque : c'est ce visage. Il fait peur. On l'a coiffé, permanenté, teint, on a taillé et teint moustache et bouc, on a maquillé de fond de teint, ses joues. Des yeux bleus si petits, étirés par de la chirurgie esthétique déjà ancienne. Un dentier trop grand et des lèvres regonflées, il a le crâne déformé des frères Igor et Grichka Bogdanov, trop passés au bistouri. Cet homme n'est que l'ombre de lui-même. Pas une fois, je n'ai vu de la joie dans ses yeux. Il semble tellement subir. On dirait qu'il voudrait laisser les jeunes transpirer, et n'avoir, pour sa part qu'à regarder et se reposer, mais il est là debout, sachant ce qu'il doit faire, automatisé depuis tellement d'années. Une tournée de plus. C'est le métier. Ca fait pitié. Pourtant, il est bien entouré. Les musiciens sont bons, je me régale, le batteur, le jeune harmoniciste ou plus populairement l"harmoniqueur", le bassiste et même la première guitare s'éclatent. Mais tous les autres, semblent éteints du dedans. Biensûr, ça passe. Le rythme vous entraîne, et ce sont des pros. Ils savent se donner en spectacle. Mais il y a des signes... Je les plains : la moitié de l'équipe a tellement l'air de s'emmerder...en total pilotage automatique.

Et puis l'un des gardes du corps, me parle : "Vous parlez français? Vous me comprenez?" Morte de rire. Il vit dans ses rêves, l'autre! Y a pas un américain qui connaît Johnny, y'a que des belges et des frenchies ici!! Et il me demande de laisser passer le King qui va descendre l'escalier à la prochaine chanson.... Et en effet, le voilà qui s'approche, descend dans le public, passe devant moi, je tends ma main à son passage. Il la tient un instant. Elle est glacée, et sa peau est si fine. Comme celle d'un centenaire. La main est si légère et sans force. Fragilité encore. Bain de foule éphémère : Il remonte très vite sur sa scène. Les numéros s'enchaînent rapidement, tout est calibré, millimétré, chaque geste des deux choristes (jolies poupées-bombasses en robes moulantes et talons hauts) est étudié et répété. Le micro des uns est faible quand celui de Jojo est trop fort. Mais pas de pousse-voix. Pour épargner ses forces, il laisse le public chanter à sa place "Que je t'aime" et lui, regarde en nous montrant du doigt. La star ne transpire pas et bouge peu. Chaque musicos a droit à son quart d'heure de gloire et son solo pendant que papy prend une pause. Le show a duré une heure et quart, plus 10 minutes de rappel. Il tente même un solo guitare et voix. Mais le jeu de guitare est rudimentaire.... me suis souvent demandée s'il ne faisait pas semblant de jouer dans bien des morceaux. La main droite était trop molle pour gratter rock.... et la gauche ne jouait que Do, sol et Ré.... Ne saurai jamais.... Mais les morceaux que j'ai préférés, étaient les vieux standards country, bien swinguant, les vrais rocks à l'ancienne, et aussi deux superbes chansons à texte de Michel Berger.

Finalement, malgré une journée de classe, une réunion inutile, des bouchons sur l'autoroute, je n'ai quand même pas regretté notre périple. C'était marrant  de voir ce vieux monsieur réaliser une part de son rêve éternel : se produire et plaire en Amérique, lui qui n'aura jamais pu faire la conquête de celle qui l'a conquis...

Et se dire qu'il vaut mieux vieillir d'apparence, et cultiver sa jeunesse intérieure. Certes vieillir nous rend moche, mais refaire la façade nous rend monstrueux. Je préfère mes cheveux blancs et mes rides, et continuer de courir et rire. Y a pas photo. Et comme je n'aimerais pas enchaîner des tournées... C'est pas une vie... Les artistes ont la vie dure, surtout quand ils ne la maitrisent plus.

Enfin, depuis ce jour, où je serrai la pogne du King, mes potes me chambrent…. Que je ne me laverai plus jamais la main !

 

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