Winter wonderland!

Ah ce qu'on aura pu en entendre parler de ce foutu "Winter Wonderland".... (que je n'arrivais d'ailleurs jamais à mémoriser)... tant ce titre pompeux me semble con... Ben, on n'a pas été déçu du voyage, tiens!

Une journée encore plus dingue que les autres, si si... C'est possible!

D'abord : le mot d'ordre : tous en pyjamas : enfants et adultes... Alors, parmi les lèches-boots, beaucoup se sont dégonflés....  pour le reste, les grands chefs et beaucoup de personnel : on a joué le jeu (sauf chez les francophones, où nous n'étions que trois...). Sandrine, dans son pyj' rose à pois blancs, Bamba, royal dans sa robe de chambre, et moi dans ma chemise de nuit sur fute et baskets : fallait oser...

Dans nos classes, on nous a interrompus, encore plus souvent qu'à l'accoutumée  : pour appeler des enfants, pour modifier les heures des repas, pour organiser la fête de fin d'année,  pour nous rappeler que cette journée restait une journée de travail, ah bon?  Enfin bref pour tout et n'importe quoi, pour nous faire entendre des excuses vis à vis de l'interruption occasionnée dans notre cours.... alors là, je me bouffe les mains jusqu'au coude.... et puis, suite à la décoration à 500 flocons X 35 classes.... et les affichages de posters géants de forêts enneigées, de trophées de cerfs un peu partout, on nous a fait venir pour distribuer un sac en papier, panier-repas de Noël des mômes : un hot-dog et des frites.... et puis, ensuite : 45 minutes chrono de jeux de kermesses à 10 $ (chère la kermesse) : et simultanément une boom, (ils ont le don d'ubiquité les ricains?).. pendant qu'on faisait open-bar de lait chaud aux chamalows... mmmm... rien que de voir ces gros machins mous, flotter dans le lait bouillant, j'en ai encore la nausée . Et n'oublions pas l'atelier tartinage des sablés avec des pâtes fluos :  bleue ou rose.... de mieux en mieux, je suis déjà en partance pour les urgences, là....

Mais l'organisation est parfaite : un parent bénévole à chaque atelier kermesse, des adultes pour l'encadrement et la sécurité partout...

Le ponpon du jour : je m'éclipse discrètement, (tant j'ai la tête comme une courge pendant la boom-kermesse-tartines fluos), pour me poser trois minutes dans le silence de ma classe vide... que le micro m'aboie dessus "M'mame Leger, gngngngngn Jerrika checks out"

Hein, quoi? Faut faire sa valise, là tout de suite, ses bouquins à enregistrer, pour que la môme parte dans une école privée?... Décidément, doit y  avoir des caméras cachées, ou quoi? Peux pas être tranquille deux secondes....(tiens ça me fait penser, qu'il est 13h10, et  que j'ai encore pas eu le temps d'aller pisser de la journée)

Alors je m'exécute (pas pour pisser, non, pour ranger les affaires de la petite), et  pour m'entendre dire, par sa grand-mère .. qu'il n'y a pas urgence, qu'elle reste jusqu'à la fin de la fête...

Je reviens dans la "boom-kermesse-tartines fluos" pour voir l'inconcevable : il est exactement 1.45, c'est l'heure prévue de la fin des 45 minutes festives. La musique "cut" sec, la senseure, bille en tête, rassemble les troupes, (nous fout tous dehors, quoi) pendant que son adjointe sort son sifflet, nous siffle dessus tel un agent de la force publique.... La fête est finie. LA FETE SE FINIT; ON VOUS DIT; TOUT DE GO. Le retour au calme, et la courbe d'activité qui redescend en douceur? Connait pas. Le rythme biologique de l'enfant? Non plus. C'est brutal, violent, SEC. Et pourtant y a deux secondes, tout le monde était content...

Je reçois des cadeaux, des chocolats, un bon d'achat du supermarché. Les profs sont fêtés, même par les supérieurs, on reçoit des mots gentils, un tee shirt, des chocolats et des hugs. C'est touchant, ou alors c'est culturel?

Mais la journée fut bien crevante, suis bien contente de n'avoir pas, en plus, comme quelques collègues, invité les parents à visiter la classe.... Trop! trop!!!

Allez 18 semaines déjà que j'officie ici. Presque une demi-année scolaire. Le plus dur est fait. C'est le temps de faire le point. 

La nature ma manque. Je suis, comme j'étais à Paris : en apnée, et en attente de me reconnecter avec les éléments. Mais je ne regrette rien. Je me forge le caractère et le métier... enfin une certaine idée du métier, y a du bon et du moins bon... Mais y a à prendre, c'est sûr. Je vois aussi plus clair, et certaines personnes se révèlent. Je vois mes points faibles, à la loupe aussi. Mais l'immersion est une aventure extraordinaire  : autant côté parent (voir son enfant parler sans accent et se débrouiller) que du côté enseignant (enseigner des contenus dans une langue étrangère) à des gamins qui semblent à l'aise pour tout comprendre. Mais qui restent des gamins... épuisants par moments et attachants pourtant. Inventer des trucs et astuces pour combiner langue et savoirs, avancer sur plusieurs fronts, leur faire aimer une langue, une histoire, une culture, une école, et les aimer sans se faire bouffer.