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louisianecheznousautres
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14 juillet 2014

Cadiens héros sans le savoir

Ca y est, j’ai compris aujourd’hui, encore mieux pourquoi les « cadiens » me plaisent…  Je parlais avec des animatrices du village cadien, et l’une d’elle insistait vraiment sur le temps passé par toute la famille au XIXème, pour nettoyer le coton, puis le carder, puis en faire une pelote de fil, puis tisser ou tricoter…(ca m’a rappelé les familles huguenotes et la magnanerie…) Chaque enfant devait nettoyer le coton, avant de pouvoir aller se coucher. Et apprenait ainsi la discipline, la rigueur. Il fallait, au bas mot, 14 mois pour faire une chemise… Et comme la famille était nombreuse et vivait avec trois fois rien, tout avait de la valeur. On ne gaspillait vraiment rien. On était connecté les uns aux autres, on s’entraidait, en famille, entre familles, et on respectait la nature. Mieux valait vivre avec, que de vouloir s’y confronter. Et me disait l’autre : la culture cajun : ce n’est pas que sa musique, sa cuisine ou sa langue : c’est surtout apprendre à survivre.

Survivre avec rien.

Survivre en milieu hostile et s’entr’aider pour y parvenir. Car la Louisiane était truffée de maladies (penumonie, dysenterie, malaria, fièvre jaune...), d’animaux dangereux (serpents, araignées, fourmis aligators), de conditions terribles (crues, houragans, marécages insalubres..). Imaginez, me disait-elle, imaginez seulement plus de 40°C en été, dans une moiteur accablante, et que vous devez allumer votre feu, tous les jours, dans votre cabanon, juste pour cuisiner…. Un enfer…. (Dire qu’une seule fois, sans clim’, je n’ai pas pu fermer l’œil de la nuit, en septembre dernier…)

Bref les conditions de vie de ces français, oubliés dans une colonie abandonnée, ont été terribles. Ecole à la maison, pour lire la bible, et les travaux quotidiens pour tous. A quatre ou cinq ans, vous étiez déjà responsable de tâches. A huit ou dix ans, les filles cuisinaient, à onze ou douze ans, elles savaient coudre ou tisser et se mariaient à treize ans. Les garçons suivaient moins l’école que les filles, parce que plus utiles aux travaux physiques. Des héros de la vraie vie, sans même y penser.

Ces deux américaines sont le lien avec le passé, aiment à transmettre d’où viennent les cadiens, ce qu’ont vécu leurs parents, et ce que sont devenues les générations actuelles. En moins de 30 ans : être passé de l’ultra-dénuement à l’ultra-consommation. Et il paraît que c’est le progrès ? De miséreux à obèses. Belle évolution en effet.

Mais ces femmes ont une conscience, une mémoire et souhaitent transmettre. Juste pour redonner leur vraie valeur aux choses et faire comprendre aux plus jeunes, qu’on n’obtient pas tout d’un clic sur le clavier : la patience, le travail de longue haleine, bref tous les trucs ringards pour les aficionados de la high tech, du fric et de la vitesse. Et j’ai alors réentendu ma grand-mère, prenant soin toute sa vie de ses six vaches, se tuant à la tâche pour quelques hectares, et me dire « Souffle la lumière! », elle qui vit l’arrivée de l’électricité et n’eut l’eau courante qu’à la fin de sa vie. Ou je pensai à ma pote, reine du marathon et de la pédale, qui bossait au restau à touristes de maman, tous les étés de sa jeunesse… Une autre vie, une autre époque et tous des gens bien. Savoir d’où  l’on vient et qui on est. Sans regret, ni honte de son passé.

Et je suis fière d’avoir pué la vache quand je rentrais de la ferme de ma grand-mère. Non mais !

 

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Marécages et baillous: étranges sortes d'étangs où poussent des arbres...

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