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louisianecheznousautres
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18 septembre 2014

Une ronflée mémorable

De duty* je devais faire monter des élèves que je ne connais pas, et qui ne parlent pas un mot de français, dans un bus. Sagement assis par terre, en ligne, garçons à gauche, filles à droite, à 40° à l'ombre, sur le ciment, dehors, ils ne mouftent pas, et attendent. Pendant que dans un autre bus, une horde hystérique, gueule et saute dans un véhicule arrêté au milieu du passage. Le mien arrive, je contourne le bus tapageur, et fais monter mes petiots. Chose faite, et duty finie, je repasse devant le bus à problèmes.... La porte est ouverte, le bruit est assourdissant. Je pense d'office que le véhicule est en panne. Je demande à la chauffeuse si elle a un problème. "Oui, me dit-elle, mon problème, c'est les mômes! Alors je démarre pas."

Sauf que moins elle démarre, plus elle les fait attendre, et plus les mômes foutent le waï!!

Ne réfléchissant pas une seconde à ce que je fais, et sans même réaliser le risque pris, je monte, me poste à l'avant, et face au branle-bas-de-combat (où personne n'a encore remarqué ma présence) je pousse une beuglante-maison, - en anglais s'il vous plaît -. Je leur passe un savon, une remontée de bretelles bien comme il faut, regard durci, voix posée mais portée, timbre grave et ferme et intonations dures. C'est mon Grand Oral, quoi. Comme on passe nos vies à jouer des rôles, je suis, ce soir, la Grande Méchante qui pousse sa beuglante, mais dans une langue qui n'est pas la sienne.

Le caillon était indescriptible, le public va être mon juge, et avec les enfants : pas facile de mentir ni de les tromper... Le verdict va tomber c'est sûr. La chauffeuse avait abandonné le combat et déserté le champ de bataille, je suis seule face à 60 gugusses qui ne pensent qu'à en découdre. Le silence tombe net, comme un couperet. Calme mortel après la tempête. C'est à ce moment-là que je réalise ce que je viens de faire... Intérieurement, j'en mène pas large. Prête au deuxième assaut : c'est sûr : dans quatre secondes : fou-rire général! Le duel est inégal une contre 60, s'il faut ramer à contre courant, je vais en chier. L'instant est animal. La meute, à l'arrêt, est face à moi : je suis ou je ne suis pas la tête. Instant viscéral, instant théâtral. Impose-toi, t'as pas le choix, fallait pas rentrer dans l'arène.

Mais gueuler en anglais... c'est frôler sans arrêt le ridicule: accent, intonation, prononciation pathétique, quiproco, labsus.... Danger à chaque mot, à chaque phrase de saper le personnage...

Mais non... le silence persiste. Pas d'explosion de rire. J'ai raté l'effet comique, mais ai gagné mes galons en autorité? Mon culot et la rapidité de mon intervention m'ont sauvée. La meute s'est calmée, retombée comme un soufflé. Attendaient-ils le coup de sifflet de l'arbitre? Ou envie de rentrer chez eux... C'était peut-être qu'un simple défouloir obligatoire après une journée longue comme un jour sans pain (ça tombe bien, ici y 'en a pas)

* duty = de service, ou corvée obligatoire comme au Moyen Age ou dans les pays totalitaires

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